Le classement des grands crus classés de Bordeaux au patrimoine mondial de l’UNESCO dans les années 20, avait ravi les investisseurs chinois venus faire leurs emplettes sur les coteaux du pourtour de la Garonne. Ces investisseurs, plus ou moins providentiels, venaient chercher en France autant de bonnes affaires à réaliser qu’une respectabilité en Chine payée à prix d’or en France. En effet, après avoir acquis la plupart des ports et aéroports de l’hexagone, quoi de plus exotique que de posséder le vignoble d’un grand vin Français protégé par l’UNESCO ?
Mais aujourd’hui, le paysage français a bien changé et ces investissements s’avèrent désastreux. Le rendement et la qualité des vins ont drastiquement baissés, le marché s’écroule au profit des vins du nord de l’Europe ou ceux des vignobles de la Nouvelle-Sibérie. La faute aux changements climatiques, bien sûr, mais aussi du fait du manque de réaction des pouvoirs publics et de l’union Européenne englués dans des processus décisionnels sans fin et parfois contradictoires.
Car si nos rues et nos places se sont couvertes de toits de verre nano-tech et si nos villes se sont plutôt développées en sous-sol ou sous dômes géothermiques, nos terroirs et nos terres agricoles, faute de moyens, prennent de plein fouet ces hausses de températures et ces baisses de pluviométries. C’est vrai dans les plaines de France comme sur de nombreuses ex-zones tempérées de la planète.
« L’actuel isotherme de Bordeaux correspond désormais à celui d’Agadir au début du siècle, avec des températures au-delà de quarante degrés de façon habituelles »
Ces changements ne sont pas arrivés du jour au lendemain. En pays bordelais, les vignobles ont déjà essayé de s’adapter. Les entorses aux canons de la viticulture sont même devenues des règles : irrigation hors norme, tentes thermiques ventilées, sélection génétique, etc. Il manquait à la panoplie un dernier, voire ultime procédé : Le dôme géothermique
Les investisseurs asiatiques, ont décidé de franchir ce dernier pas cette année et ont bâti des dômes gigantesques au dessus de leurs parcelles les plus renommées. La peur pour leurs investissements ou l’envie de préserver les dernières vignes historiques de la région a poussé ces gros propriétaires à investir massivement sans tenir compte d’une aide Européenne ou de l’UNESCO, et sans aucun permis de construire ou autorisations.
Les autres châteaux indépendants n’ont pas encore suivi ce mouvement, à la fois par manque de moyens et aussi pour les complications administratives en perspective. « Il s’agit d’une situation d’urgence » a déclaré la porte parole de ChinaFood inc, le conglomérat propriétaire de la majorité des châteaux concernés « L’actuel isotherme de Bordeaux correspond à celui d’Agadir au début du siècle, avec des températures au-delà de quarante degrés de façon habituelles… Nous avons la responsabilité de préserver ces vignobles historiques, nous sommes prêts à assumer d’éventuelles poursuites au tribunal s’il le faut ».
En effet, certaines associations de riverains ont déjà porté plainte contre la construction de ces dômes qui peuvent atteindre 75m de haut, d’autres contre la violation de la « naturalité du vin » ou la « dénaturalisation des terres ». Enfin, les pouvoirs publics ont nommé une commission d’enquête pour étudier le problème des nuisances.
Pour justifier de tels investissements, ChinaFood a mené des études de paléoclimatologie pour reconstituer sous leurs dômes l’enchaînement des pluies et des ensoleillements qui firent la richesse et le prestige des grands millésimes des vins de Bordeaux, dont le classement débutât en 1855, voilà à peine plus de deux siècles.
« Nous allons faire revivre le passé œnologique de ce magnifique terroir, vous pourrez bientôt déguster des millésimes oubliés. On pourra bientôt ainsi déguster des vins avec la même irrigation et le même ensoleillement qu’un millésime exceptionnel 2009, un millésime excellent 1990 ou 2005, ou très grand 1996, 1986, 1961 voire même 1945 ! Nous allons proposer des vins qui vont faire le bonheur du palais des dégustateurs avertis et amoureux des vins de Bordeaux. Nous allons recréer toutes les conditions météos et de vinification de ce qui a fait les meilleurs vins du monde, nous allons faire revivre le passé œnologique de ce magnifique terroir, vous pourrez bientôt déguster des millésimes oubliés » précise la ChinaFood inc.
On peut s’extasier devant ces réussites de la technologie qui vient au secours d’un patrimoine pas vraiment matériel de l’humanité… On peut tout aussi bien s’interroger sur la pertinence de garder ces productions inscrites à l’inventaire de l’UNESCO, n’en déplaise aux investisseurs chinois qui, en ce cas, perdraient un argument de vente fort appréciable face à la concurrence mondiale et surtout face aux vignobles nordiques qui font de plus en plus parler d’eux et qui sont venus chercher les meilleurs viticulteurs et œnologues français ! Ces jeunes vins se revendiquent comme les vrais héritiers des terres viticoles françaises aujourd’hui brûlées par le soleil et les intempéries.
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